5 Mars 2020

Article

Marie-Noëlle Robert

Depuis bientôt quatre-vingt-dix ans, la légende de 42nd Street résonne encore

Une rue, un film, une comédie musicale, 42nd Street est tout cela à la fois. Du long métrage de Lloyd Bacon à l’adaptation de Stephen Mear en passant par la rue nouvellement gentrifiée qui sert de décor au film comme au spectacle, promenons-nous, d’une époque à l’autre, le long de la 42e rue.

Avant d’être la comédie musicale aux milliers de représentations acclamée dans le monde entier, 42nd Street est avant tout un long métrage. Produit en 1933, pendant les grandes heures de la comédie musicale, il est le miroir de l’âge d’or de Broadway. La 42e rue, rue emblématique de New York et scène du film éponyme, était fréquentée par des fêtards et des prostituées. Elle est désormais complètement gentrifiée. « J’adore la 42e rue, j’y ai même présenté Mary Poppins, je me sens très chanceux d’avoir pu présenter un spectacle à Broadway », confie au Tchât le metteur en scène de 42nd Street Stephen Mear.

Faut-il avoir peur d’aller voir 42nd Street si l’on a pas vu le film ? « Il n’y a absolument pas besoin d’avoir vu le film pour apprécier la comédie musicale. La majorité des spectateurs qui sont venus voir le spectacle à Paris au Châtelet la première fois n’avaient jamais vu le film et ne connaissaient pas l’histoire, ça ne les a pas empêché d’adorer, en particulier les claquettes », affirme Stephen Mear. Car ce qui fait la force de 42nd Street est moins son message social, que ses nombreux numéros de claquettes. Stephen Mear est un grand fan de ce style de chorégraphies qui puise ses origines dans les danses traditionnelles irlandaises. « La première fois que j’ai vu le film, j’avais 9 ans et faisais déjà des claquettes. Je me rappelle l’avoir vu avec ma mère. Voir autant de claquettes en même temps, explique-t-il, c’était incroyablement excitant ».

Il admet cependant qu’aujourd’hui, il est difficile de retrouver ces sensations en regardant le film : « C »était fabuleux, grâce au travail du réalisateur Lloyd Bacon. Mais aussi très daté et la comédie musicale l’a vraiment remis au goût du jour ». Stephen Mear a donc puisé en lui pour retranscrire par sa mise en scène les émotions qui l’avaient submergé lorsqu’il avait lui-même découvert le film.

DU KRACH BOURSIER À NOS JOURS, LA 42e RUE FAIT TOUJOURS RÊVER

Si en 1980, 42nd Street a réussi à se faire sa place à Broadway, parmi les autres comédies musicales, ce n’est pas tant grâce au scénario du film que grâce à l’ampleur du casting et des moyens déployés. « C’est la première fois qu’on mettait autant d’argent dans une comédie musicale », explique Stephen Mear. « Les gens n’avaient jamais vu autant de monde sur scène, c’est ça qui a fait son succès ».

Après Broadway, la comédie musicale est adaptée à Londres dans le West End en 1984, à San Francisco en 1985, à Sydney en 1989 et passe pour la première fois au Châtelet en 1990. 42nd Street devient rapidement un classique du genre, son grand retour sur les planches des théâtres du monde entier depuis le début des années 2000 en est la preuve. Le nombre impressionnant de danseurs et d’acteurs (plus d’une cinquantaine), l’extravagance des costumes et des décors, et les musiques entraînantes captivent l’attention des spectateurs, qui se laissent emporter par la magie de la comédie musicale.

À la manière des feel-good movies d’aujourd’hui, 42nd Street est une escapade hors du monde réel, où s’exprime nos émotions à coup de numéros de claquettes grandioses. À la sortie du film en 1933, en pleine Grande Dépression, les Américains avaient besoin de rêver et 42nd Street leur offrait cet instant de répit. Aujourd’hui, le krach boursier de 1929 a laissé place à d’autres problèmes, et la magie opère toujours : « C’est un tel spectacle, une pure évasion. Avec ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, on ne pourrait pas espérer meilleure comédie musicale », affirme Stephen Mear.

C’est d’ailleurs peut-être ce besoin de rêver qui a remis au goût du jour les comédies musicales ces dernières années. Après le succès de La La Land, elles se sont succédées sur le grand écran : Mamma Mia !, Here We Go Again, The Greatest Showman, Le Retour de Mary Poppins… les spectateurs en redemandent. Mais pour le metteur en scène et chorégraphe, ces films ne sont que de pâles copies du genre : « Je ne pense pas que La La Land ait remis les comédies musicales à la mode. 42nd street est bien mieux que La La Land », juge Stephen Mear. « Dans 42nd Street, il y a de vraies claquettes avec de vrais danseurs, alors que dans La La Land, ce ne sont que des acteurs ».

LA COMÉDIE MUSICALE, UN UNIVERS TRÈS AMÉRICAIN À L’ASSAUT DU PUBLIC FRANÇAIS…

Et ce n’est pas une exception ! Alors que An American in Paris vient de quitter le Théâtre du Châtelet, Funny Girl a été prolongé en ce début d’année au Théâtre Marigny, bien qu’il se joue en version originale sur-titrée, en racontant comme 42nd Street l’histoire d’une jeune femme venue des bas-fonds qui grimpe les échelons jusqu’au sommet. « L’ancien directeur du Chaletêt Jean-Luc Choplin a fait redécouvrir la comédie musicale aux Parisiens », explique Stephen Mear qui a chorégraphié également On the Town et Singin’ in the Rain.

Pour la rentrée de septembre 2020, sont également très attendus, dans un répertoire plus populaire, une mise en scène du chef-d’œuvre comique de Mel Brooks The Producers, par le metteur en scène Alexis Michalik, mais aussi Starmania, de retour sur les planches après vingt ans d’absence, ou des blockbusters comme Le Roi Lion au Théâtre Mogador et même Charlie et la Chocolaterie. La comédie musicale se fait une petite place en France, dans différents registres.

Peut-on parler d’un engouement nouveau du public français pour la comédie musicale ? « Il y a un ou deux millions de spectateurs de comédie musicale en France chaque année. C’est un chiffre qui n’augmente pas », tempère Laurent Valière, producteur de l’émission « 42e rue » sur France Musique. Selon lui, la comédie musicale américaine ne pèse pas encore bien lourd pour le public français face aux productions bleu-blanc-rouge. « Le retour de Starmania va beaucoup plus faire parler que 42nd Street ! » Malgré tout, le contexte des fêtes de fin d’année profite toujours aux comédies musicales à l’américaine, et draine systématiquement un public nombreux et conquis.

Et que les futurs spectateurs et les futures spectatrices de 42nd Street soient rassurés : Paris garde une place particulière dans le cœur du londonien Stephen Mear : « À la sortie du théâtre, je vois souvent des spectateurs s’essayer aux claquettes dans la rue. Je trouve ça adorable. J’aime vraiment travailler à Paris pour cette raison, car les spectateurs sont vraiment réceptifs à ce qu’ils voient, à mon travail. »

Par COLIN GRUEL-POSNIC, ALBANE GUICHARD & SAMUEL KAHN

"Grâce à 42nd Street, les spectateurs suivent le processus de création d’un spectacle dans ses moindres péripéties, des auditions jusqu’à la première. […] Je peux vous assurer qu’il s’agit là de moments uniques pour les artistes" Stephen Mear

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