8 Mars 2023

Danse

©Thomas Amouroux

Casse-Noisette

Un petit tour d’histoire…

Ballet en deux actes, Casse-Noisette est présenté au public pour la première fois en décembre 1892 à Saint-Pétersbourg au Théâtre Mariinsky. La célèbre musique de Piotr Illitch Tchaïkovski et la virtuosité des danseurs font toujours vibrer petits et grands… Voici un petit panorama de l’histoire de ce chef-d’œuvre. Par Agnès Izrine

Les origines

En 1844, Alexandre Dumas traduit plus qu’il n’adapte – car les deux versions diffèrent fort peu, Casse-Noisette et le Roi des Souris d’Ernst Theodor Hoffmann (1816) sous le titre Histoire d’un Casse-Noisette. C’est un conte à tiroir plutôt complexe qui se déplie avec l’Histoire de la Princesse Pirlipate et de la noix Krakatuk pour se refermer avec la fin de Casse-Noisette. Mais ces récits différents s’entremêlent et le monde du rêve s’épanche dans la réalité, ouvrant un espace imaginaire qui laisse libre cours à toutes sortes d’interprétations.

C’est pourquoi, afin de favoriser la compréhension du ballet, le chorégraphe Marius Petipa simplifia le conte en supprimant l’histoire de Pirlipate et de Krakatuk. Cet épisode qui révèle pourtant que Casse-Noisette n’est autre que le neveu de Drosselmeyer, victime d’un sortilège que seul l’amour peut rompre, aurait été certainement trop compliqué ou trop long à expliquer par la chorégraphie ou la pantomime.

Le Livret

Dans la version de Petipa donc, la nuit de Noël, Clara reçoit comme cadeau de son parrain Drosselmeyer, un casse-noisette en forme de figurine, joliment habillé « qui faisait supposer un homme de goût ». Pendant la nuit, elle rêve qu’il est un prince ensorcelé auquel le Roi des souris a déclaré la guerre. Clara l’ayant sauvé après un combat acharné entre les jouets et les souris, il se transforme en beau jeune homme et l’emmène à travers une forêt enneigée. Ils arrivent à Konfiturenbourg, le royaume féerique des jouets et des friandises où ils sont accueillis par la Fée Dragée et le Prince Orgeat, et célèbrent leur victoire sur le Roi Souris dans un enchaînement de danses et de valses merveilleuses. Dans une variante, ils se fiancent (ou se marient) lors d’une grande fête.

Des danseurs autour du gâteau du royaume de Konfiturenbourg
©Marie-Noëlle Robert
Le Ballet du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg dans la production de 2002 (Chemiakin / Simonov)

Un duo de choc

Après La Belle au bois dormant et Le Lac des cygnes, Casse-Noisette est le troisième ballet qui réunit le tandem Petipa-Tchaïkovski. La création de ce « ballet-féerie » en 1892 est le fruit d’une commande passée par Ivan Alexandrovitch Vsevolojski, directeur des théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg, aux deux artistes. Le maître de ballet et chorégraphe du théâtre Mariinski et le compositeur ont l’habitude de travailler ensemble, bien que Petipa se montre très directif quant à la musique, n’hésitant pas à lui imposer des consignes précises.

La musique est immédiatement saluée par le public et la critique. Les innovations de Tchaïkovski qui introduisent dans la partition des airs populaires, des instruments-jouets, et fait entendre pour la première fois les sons cristallins du célesta dans La Danse de la Fée Dragée, sont un succès. Avec celle-ci, La Valse des fleurs, La danse des Mirlitons, et la fameuse « ouverture » deviennent des mélodies célèbres qui contribuent à faire rayonner le ballet à travers le monde.

Il n’en est pas tout à fait de même pour la chorégraphie que la critique dédaigne. Est-ce parce que les protagonistes sont des enfants de l’Ecole du Mariinski ? Parce que la pantomime est trop importante au premier acte, au détriment d’une danse plus virtuose ? Pourtant, au deuxième acte, tout l’art de Petipa brille dans les danses « de caractère » c’est-à-dire inspirées par le folklore. Il insère même une danse orientale pour symboliser le café, chinoise pour le thé, et espagnole pour le chocolat ainsi qu’un trepak (danse russe). Par ailleurs, Petipa est passé maître dans la technique du Pas de deux et, celui du tableau final, est un morceau d’anthologie.

©Marie-Noëlle Robert
Yvette Horner et les danseurs du Béjart Ballet Lausanne lors de la production de Maurice Béjart en 1999

Les différentes versions

Depuis plus de 130 ans, Casse-Noisette est passé entre les mains de différents chorégraphes qui lui ont insufflé leur propre vision. Si la plupart des versions s’inspirent de l’œuvre originale, les adaptations les plus récentes tendent à revenir à la profondeur du conte d’Hoffmann, et sont souvent influencées par des ressorts plus psychanalytiques. Comme pour le Lac des cygnes, plusieurs fins sont possibles, dans certaines, il existe un épilogue dans lequel Clara se réveille et revient à la réalité. Dans d’autres, certains personnages fusionnent comme Drosselmeyer et le Prince comme dans la version Noureev (1985), ou Clara et la Fée Dragée, par exemple dans celle de Roland Petit (1976).

La première de ces adaptations est certainement celle de George Balanchine. Créé 1954 au New York City Ballet et fidèle à la version initiale, il remet ce ballet-féerie au goût du jour avec ses décors et costumes merveilleux, ses 90 danseurs et son sapin de 12 mètres ! Depuis, il est programmé tous les ans à Noël.

Les Casse-Noisette signés John Neumeier (1971), Maurice Béjart (1998, présenté au Châtelet en décembre 1999), et Jean-Christophe Maillot (2013) rendent hommage à la danse. En effet, dans ces trois ballets, le pays des friandises est remplacé par l’univers du ballet et le rêve de Clara, devient celui de devenir danseuse avec, chez Béjart, une forte teneur autobiographique.

Rudolf Noureev (1985) en tire une version plus sombre pour le Ballet de l’Opéra de Paris, oscillant volontiers entre rêve et cauchemar, où l’inconscient prend le pas sur la réalité dans un rite de passage entre l’adolescence et l’âge adulte. C’est aussi le cas de Jeroen Verbruggen (2014) pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève où l’héroïne est une adolescente vivant volontiers dans son monde fantasmagorique et a besoin de briser sa coquille… Tandis que Mark Morris (1991) travaille sur les aspects les plus noirs et les plus grotesques du conte, dans une version iconoclaste se situant dans les années 1960, mais qui reste pourtant la plus proche du conte fantastique initial.

Il existe des dizaines d’autres versions, y compris en animations ou en films. Plus récemment, le hip-hop s’est aussi emparé de ce conte de Noël, par exemple dans les versions de Bouba Landrille Tchouda (2012) ou Blanca Li (2022) qui en font un divertissement à rebondissements.

Des danseurs en costume de flocons de neige
Le Ballet du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg dans la production de 2002 (Chemiakin / Simonov) ©Marie-Noëlle Robert
Le Ballet du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg dans la production de 2002 (Chemiakin / Simonov) ©Marie-Noëlle Robert
Un pas de deux entre deux danseurs
Danseurs du Béjart Ballet Lausanne lors de la production de Maurice Béjart en 1999 ©Marie-Noëlle Robert
Danseurs du Béjart Ballet Lausanne lors de la production de Maurice Béjart en 1999 ©Marie-Noëlle Robert

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