30 Janv. 2020

Danse

Seldon Hunt

Gisèle Vienne

Avec This is How you Will Disappear, Gisèle Vienne posera ses valises et ses installations enchantées sur la scène du Châtelet en mai prochain. Avec ses tableaux vivants, l’artiste franco-autrichienne interroge nos rapports singuliers au collectif. Un questionnement central pour de nombreux créateurs, qu’ils soient chorégraphes, plasticiens, musiciens ou metteurs en scène. Mathieu Potte-Bonneville, à la tête du département Culture et Création du Centre Pompidou depuis février dernier, revient sur le parcours de Gisèle Vienne et sur les questions qui agitent la création contemporaine.

Le Centre Pompidou présentait en septembre 2019 Crowd, la dernière création de Gisèle Vienne. Il y a dix ans, vous accueilliez l’une de ses premières installations, à l’origine du travail qui sera présenté au Châtelet. Pouvez-vous nous parler d’elle, nous dire ce qui fait sa spécificité sur la scène contemporaine ?
Mathieu Potte-Bonneville: C’est un réel compagnonnage qui s’est noué entre elle et le Centre Pompidou. Nous fonctionnons depuis vingt ans comme un laboratoire de transformation et d’expérimentation pour la danse contemporaine. C’est une artiste qu’on a retrouvée à différentes reprises, qu’on a accompagnée. Son dernier spectacle a d’ailleurs beaucoup marqué, connaissant un succès public et critique. Il y a quelque chose d’extrêmement abouti dans ce spectacle : dans son rythme, dans la minutie et la rigueur avec laquelle elle arrive à composer l’individu et le collectif. La question du rapport de l’individu au pluriel se pose chez elle avec beaucoup de précision, d’acuité et de force. C’est l’aboutissement pour elle d’une recherche longue sur les formes du collectif, un sujet qui traverse le travail de nombreux artistes accueillis au Centre.

Qu’ont-ils à nous dire sur notre façon de vivre ensemble? Quel récit collectif peuvent aujourd’hui porter la danse, les arts visuels ou la musique ?
Mathieu Potte-Bonneville : Notre rôle au sein du Centre Pompidou est de scruter les mouvements de culture au sens large, d’analyser les transformations de la société au prisme du travail des créateurs. C’est en cela que Gisèle Vienne nous interpelle. Dans Crowd, elle nous proposait une relecture actuelle des formes de la rave party, livrant un travail précis pour restituer des postures ordinaires, pour porter jusqu’à la chorégraphie des formes de danses vernaculaires, quotidiennes, ouvrant ainsi sur des questions passionnantes. En quoi la culture commune peut-elle être un matériau pour la création chorégraphique ? Qu’est-ce que la façon dont nous dansons nous dit de la manière dont on forme ou non un ensemble ? Elle parvient à générer des questionnements mais aussi des émotions profondes, parfois inattendues, par exemple par sa façon de restituer la solitude qu’on peut éprouver au sein même d’un groupe.

Sur un plan formel, sur une scène, dans un espace d’exposition, comment se traduisent ces interrogations sur notre rapport au collectif ?
Mathieu Potte-Bonneville : Nous avons tenté de réfléchir à ce qui lie entre eux tous les artistes accueillis ces dernières années, ceux qui nous paraissent porteurs de réflexions décisives pour demain. Une réponse s’est imposée : le travail sur les rites et les cérémonies, sur le rituel au sens de la forme obligée par laquelle on réunit les gens, par laquelle on fait société. C’est là encore un aspect remarquable des créations de Gisèle Vienne : une façon très particulière de silhouetter les danseurs, le sentiment partagé d’avoir déjà vu ces postures-là, de reconnaître ces façons de se tenir, de se mouvoir. Mais elle ne nous convoque pas à un rituel traditionnel, ce n’est pas le pas de l’oie du régiment ! Elle donne à voir du collectif, mais un collectif traversé par des postures individuelles, où chaque individu refuse d’abandonner sa liberté et sa personnalité. Qu’est ce qu’un rituel à l’heure où les formes d’engagement, de participation, d’intégration au collectif ne sont plus ce qu’elles étaient ? C’est la question qu’elle nous adresse à travers ce spectacle.

Propos recueillis par SABIR

 

"La question du rapport de l'individu au pluriel se pose chez Gisèle Vienne avec beaucoup de précision, d'acuité et de force." Mathieu Potte-Bonneville

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