1 Avr. 2020

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Stofleth

Le Rossignol et autres fables

Par Franck Mallet

UN DÉVERGONDAGE IRONIQUE DE TIMBRES BRÛLANTS

Un monde féérique à la hauteur des enjeux du livret du Rossignol, conte lyrique en trois actes tiré d’un conte d’Andersen et mis en musique par Stravinsky, entre 1908 et 1914, avec la collaboration de son ami Stepan Mitoussov. Enivré par ses premières pages orchestrales (Scherzo symphonique et Feux d’ar­tifice), le jeune Stravinsky âgé de 24 ans compose le premier acte de son opéra en Russie, dans une esthétique encore proche de celles de son maître Rimski-Korsakov, combinée au réalisme de dialo­gues parlés dans l’esprit du Mariage, l’opéra inachevé de Moussorgski – le tout, plongé dans des sonorités savantes et une harmonie vaporeuse.

Appelé à Paris par Diaghilev qui lui commande L’Oiseau de feu, un premier ballet, le compositeur abandonne son Rossignol… Il n’y reviendra que cinq ans plus tard, cette fois auréolé de la gloire de ses trois ballets pari­siens : L’Oiseau de feu, Petrouchka et Le Sacre du printemps. La rupture, voulue, entre le calme et buco­lique du 1er acte russe et les deux suivants composés en Suisse n’ajoute que plus de saveur à l’ouvrage investi d’un rythme nouveau et d’une polyphonie richement élaborée. Un charivari strident et un dévergondage ironique de timbres brûlants en rupture avec l’opéra traditionnel, au moment même où la Première Guerre mondiale confine Stravinsky en Suisse. La création à l’Opéra de Paris, sous la direction de Pierre Monteux dans une chorégraphie de Boris Romanov et des décors et costumes d’Alexandre Benois, le 26 mai 1914, fut un échec critique et public – seul Ravel, dans Comoedia illustré (5 juin 1914) défendit l’ouvrage, vantant la : « liberté contrapuntique absolue, cette indépendance audacieuse des thèmes, des rythmes, des harmonies, dont la combinaison, grâce à l’une des plus rares sensi­bilités musicales, nous offre un ensemble si séduisant »

UN FEU D’ARTIFICE EN FORME D’ACROBATIE CUBISTE

Fidèle de l’Opéra de Lyon, où il présente une première fois, en 2007, sa production du Rake’s Progress du même Stravinsky, Robert Lepage, lorsqu’il revient mettre en scène Le Rossignol dix ans plus tard, fait précéder ce court ouvrage lyrique pour chanteurs, chœur et grand orchestre, par une série de petites pièces, de la miniature – Trois pièces pour clarinette seule, Pribaoutki, Berceuses du chant, Deux Poèmes de Constantin Balmont et Quatre chants paysans russes – à l’orchestre de chambre – Ragtime –, en passant par le génial théâtre de tréteaux de l’« action chantée » Renard. Un feu d’artifice en forme d’acrobatie cubiste, tour à tour imitation, transformation et épure du style populaire, avec un rôle prépondérant accordé au cymbalum (Ragtime, Renard) et aux instruments à vents – l’ensemble, fouetté par les rythmes débridés du jazz : « cette nouvelle danse populaire qui venait d’apparaître aux Etats-Unis » (Stravinsky).

 

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