14 Déc. 2020

Article

©Thierry Lechanteur

Présentation de concert par le chef Hervé Niquet

Le chef d’orchestre et fondateur du Concert Spirituel présente le concert "Splendeurs vénitiennes", consacré à Vivaldi.

Ce projet s’inscrit dans mon intérêt de toujours pour la musique à voix égales et renvoie à une pratique liturgique commune à toute l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles. Certes, on sait que les femmes étaient interdites de musique dans les églises mais en Italie ou en France, comme dans les autres pays, il existait aussi bien des couvents d’hommes que de femmes, lesquels couvents observaient exactement les mêmes pratiques musicales. Les compositeurs maîtrisaient donc ce spectre sonore très étrange, et très bouleversant, d’un ensemble constitué exclusivement de voix de femmes, produisant toute une littérature qu’on tend à édulcorer de nos jours – et cela est fort dommage.

En France, il y eut par exemple Pierre Bouteiller ou Louis Le Prince, que Le Concert Spirituel a amplement interprétés ces dernières années. Mais bien sûr, le maître le plus connu dans ce répertoire demeure Antonio Vivaldi, de par ses fonctions à l’Ospedale della Pietà à Venise, autant un couvent qu’un orphelinat pour jeunes filles. Je trouve étonnant que les partitions de Vivaldi ne soient pas plus souvent données avec des voix égales, parce qu’il n’y a pas de difficulté particulière à rassembler deux chœurs féminins.

Dans le Gloria, il n’y a pas de solo pour homme, donc pas de souci particulier. Pour les airs destinés aux voix de femmes, on peut naturellement faire appel à des solistes, mais il est aussi possible de les faire chanter « en chapelle », à savoir demander aux sopranos du chœur de chanter ensemble les solos de soprano et à toutes les altos de chanter ensemble les solos d’alto, selon une manière très répandue à cette époque.
Ce procédé produit une puissance exceptionnelle et confère un caractère de type opératique à la musique. Et celle de Vivaldi, comme d’ailleurs toute la musique religieuse de cette époque, est une musique foncièrement théâtrale.

Faire du Vivaldi, c’est tout simplement euphorisant : tout le monde doit être au maximum de ses capacités, jeter toutes ses forces dans la bataille et, de ce fait, cette musique libère une énergie folle. Mais il n’y a pas que cela : en recteur de génie, Vivaldi est capable de dispenser la plus grande douceur, de la faire suivre d’un passage tonitruant, avant d’asséner une séquence chorale encore plus explosive alors qu’on croyait avoir atteint le sommet, le tout cédant immédiatement la place à une ineffable tendresse à deux voix, et ainsi de suite.

Il n’y a jamais aucun ennui et chaque mélodie est singulièrement attachante. Elle est incroyablement difficile d’exécution car elle demande une grande virtuosité dans la justesse comme dans l’agilité. L’aborder, c’est un peu comme aller à un cours de yoga : on rechigne parfois à s’y rendre mais au final, on baigne dans la plus grande jubilation. Après plusieurs décennies à la scruter, j’avoue ne m’en être toujours pas lassé.

"Faire du Vivaldi, c’est tout simplement euphorisant"

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