1 Avr. 2020

Pierre Morales

Déjeuner en musique

Pour attirer des nouveaux publics, quoi de mieux que de se mettre dans la peau des spectateurs ? C’est dans cette optique qu’ont été imaginés les déjeuners-concerts. Une heure pour manger lors de la pause de midi, face à un orchestre polyvalent.

«D’habitude, on déjeune dans la cantine, au sous-sol. Aujourd’hui on mange au théâtre. » Venue avec deux collègues, la trentenaire plonge sa fourchette dans le tupperware en équilibre sur ses genoux. «On travaille à côté, au ministère de la Culture. Midi et demie c’était parfait pour notre pause.» Proposer un concert au moment du repas, c’est toute la promesse des déjeuners-concerts.

Comme elles, une centaine de personnes est venue assister à une représentation un peu particulière. Un format court, une heure, pour en apprendre un peu plus sur la musique classique, au moment du repas. «Dans Paris, Châtelet est une zone de passage, c’est le lieu d’entrée et de sortie des banlieusards. Il y a plus de gens qui travaillent ici que de gens qui y vivent », raconte Nicolas Droin, le directeur général de l’Orchestre de chambre de Paris. Pour attirer un nouveau public, il s’est associé au Théâtre du Châtelet et a choisi d’innover. «Il y a presque un côté transgressif à venir dans une salle de théâtre avec un sandwich. La force du concept étant d’écouter du classique dans un acte de vie quotidienne».

Ce 22 novembre 2019, ce sont les partitions de Fazil Say et Mozart qui étaient au programme. L’Orchestre de chambre de Paris propose un concert en deux parties. La première est consacrée à une création contemporaine, la seconde à une œuvre classique. Le but étant de faire dialoguer les œuvres. Pour aider à entrer dans l’univers de l’artiste contemporain, souvent difficile à saisir pour les non spécialistes, le morceau est ponctué d’explications techniques. Juste le temps d’évoquer l’instabilité rythmique du musicien turc, d’expliquer son jeu de texture pour mieux comprendre le sens des sons. Puis retentit l’ouverture de Don Giovanni. Libre au public d’y voir des similitudes, de faire des liens. «Mozart mettait des turqueries dans ses œuvres, il y a la Marche turque par exemple. Il a totalement osé utiliser des rythmes turcs, tout comme Fazil Say », analyse pour nous Nicolas Droin.

Lors de cette représentation, les spectateurs ont pour la plupart mangé avant l’extinction des lumières. L’effet pop-corn de salle de cinéma, redouté par certains, ne s’est pas produit ; aucun bruit de papier ni de couvert. Et tant mieux. Avec les oreilles attentives, c’eût été gênant. Dans la salle, toutes les générations sont représentées. Deux sièges séparent l’étudiant de 23 ans, venu s’occuper en attendant de pouvoir accéder à sa chambre d’hôtel, et la retraitée presque octogénaire voulant redécouvrir le Châtelet. Pour cette pause de midi insolite, tous deux ont déboursé quinze euros. Un nouveau format amené à se reproduire prochainement.

Par Yann Haefele

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