26 Mars 2019

Article

Thomas Amouroux

Interview de Stéphane Ricordel

De ses débuts avec Les Arts Sauts à Picasso Circus, en passant par le Monfort qu’il dirige avec Laurence de Magalhaes depuis 2009, retour sur un parcours vertigineux, dans les airs et sur la piste. Alors qu’il proposera pour Parade une création sur la musique du groupe ukrainien DakhaBrakha, Stéphane Ricordel, trapéziste et circassien militant, s’est confié au Châtelet.

Comment en êtes-vous venu au trapèze volant ?
Je n’étais pas ce qu’on appelle un enfant de la balle. J’ai choisi cette discipline parce que j’avais le vertige et que je voulais lutter contre. C’est ensuite devenu une passion plus qu’intrinsèque à ma vie, et j’en ai fait mon métier sans me poser plus de question. Cela m’a permis d’être très proche d’Archaos au tout début, ou du Cirque du Soleil où j’ai aussi beaucoup travaillé. Mais ce sont en fait ma passion pour le théâtre, mes découvertes musicales, mes voyages aussi, qui m’ont permis d’avoir une vision autre que celle du cirque traditionnel. Pour moi, le trapèze volant pouvait sortir du chapiteau et trouver une autre place. C’est ce que l’on a fait avec Les Arts Sauts, la compagnie que l’on a montée en 1993, au départ à dix, puis on est passé très vite à trente acrobates. On a fait le tour du monde pendant 15 ans, soit plus de 57 pays et 1 500 représentations ! Dans le monde entier, on nous prenait pour des supermen et des superhéros parce qu’on faisait des acrobaties en l’air, alors qu’on était seulement des hommes comme les autres. Mais il est vrai qu’on allait un peu plus loin. Une acrobatie à 20 mètres de haut, cela devient insoutenable pour les gens. J’ai très vite considéré le trapèze volant comme un agrès unique, qui pouvait se suffire à lui-même et ne pas être un numéro parmi d’autres, entre celui du clown et celui du cheval, où le public attend qu’il tombe. Car on est bien dans le même frisson qu’avec le dompteur de lion, lorsqu’on se demande s’il va se faire manger ou non. Là, on se demande si le trapéziste va tomber.

C’est une question de vertige ?
Oui, le rapport au vertige et au frisson existe. Mais ce n’est pas là-dessus que l’on a essayé de travailler. Être trapéziste, c’est quelque chose d’unique, avec une adrénaline personnelle qui monte. Ce que l’on donne à voir au public, c’est l’émotion et elle ne passe pas que par le vertige ou le sensationnel ! C’est une émotion pure, de la tendresse. On regarde les gens dans les yeux, on est très proches d’eux finalement. Le plus proche possible.

Mais y a-t-il toujours un filet entre eux et vous ?
Aucun acrobate n’a fait du trapèze sans filet, ça n’a jamais existé, sinon il serait mort. L’imaginaire collectif est fort et on entend souvent dire : « j’en connais qui en font sans filet », mais c’est faux ! Il faut beaucoup répéter, et en répétition, on tombe. Donc ce que l’on apprend en premier, c’est à tomber. Aujourd’hui, à 55 ans, je ne suis plus trapéziste, je n’ai plus le corps pour cela, ni l’âge ou l’envie. Je suis acrobate.

Une artiste de circque tractée par les cheveux marchant sur une boule géante
Hélène Pambrun
Une artiste capilotractée lors de « Picasso Circus » au Musée d’Orsay

Et les deux Capilotractées, présentes dans Picasso Circus ?
Je les ai rencontrées à l’école de Châlons-en-Champagne. Le cirque est un petit milieu où l’on se connaît tous. La capilotraction est une vieille technique circassienne, considérée aujourd’hui comme désuète, voire ringarde. Mais ces deux artistes la transforment en quelque chose de positif et de beau. J’ai profité de leurs savoirs et de leurs techniques pour les mettre en scène. Je choisis les gens parce que je pense qu’ils ont des choses à se raconter les uns aux autres. Et moi, j’ai une histoire à raconter avec ces gens-là.

En fin de compte, après toutes ces années, avez-vous réussi à vaincre votre vertige ?
Non… Enfin si, en ce qui concerne le trapèze, dès que je touche de la ferraille, je suis tranquille. Je peux monter sur une grue à 200 mètres de haut, ça ne me pose pas de problème, là aussi tant que je touche de la ferraille. Mais si je me penche à la fenêtre, j’ai le vertige.

 

Stéphane Ricordel a toujours aimé la musique et l’intègre à ses spectacles.  » J’ai toujours été proche de la musique dite classique, par l’émotion qu’elle procurait depuis que je suis tout petit. Le violoncelle est un instrument qui me porte  » dit-il. Pour Parade il a convié le groupe ukrainien DakhaBrakha. Sa playlist idéale comprend également le Stabat Mater de Pergolèse chnaté par Philippe Jaroussky et la Suite pour violoncelle n°5 de Bach.

"Ce que l’on donne à voir au public, c’est l’émotion et elle ne passe pas que par le vertige ou le sensationnel !"

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