26 Nov. 2019

©Tom de Peyret

Penser avec le corps

Au printemps prochain, la scène du Châtelet accueillera deux figures majeures d’une création contemporaine qui se joue des frontières artistiques et des disciplines. Erwan Castex, alias Rone, fleuron engagé de la scène électro de ces dernières années, a profité de la carte blanche offerte par le Théâtre pour se tourner vers les trois complices du collectif (La)Horde. Depuis le Ballet National de Marseille dont ils ont pris la direction depuis quelques mois, Marine Brutti, Arthur Harel et Jonathan Debrouwer unissent leurs voix pour nous faire entrer dans les coulisses de cette création « brûlante ».

Quel a été le point de départ de ce projet avec Rone ? Comment s’engage la discussion entre un producteur de musique électronique et un collectif qui travaille la danse et les corps ?
C’est Erwan qui est venu à notre rencontre, pour nous proposer d’expérimenter ensemble, sans partir de nos disciplines respectives. Au fil des discussions, une envie commune est née, celle d’écrire un nouvel album créé à partir d’une pièce chorégraphique conçue ensemble. On a tout de suite commencé à imaginer des histoires, des dramaturgies, des séquences : tout ça était très excitant. Depuis la rentrée, nous sommes au travail avec les danseurs, Erwan vient faire des essais en musique avec eux.

Créer dans la discussion, dans l’échange, c’est la marque de fabrique de (La)Horde ?
On a pour habitude de beaucoup parler entre nous, et Erwan a rejoint sans difficulté ce trilogue. Par cette discussion ouverte, on fait apparaître nos intérêts convergents, notre mémoire commune. On parle des sujets qui nous touchent, nous questionnent, nous intriguent : toutes les choses qui nous traversent sont mises en commun, et alors on voit ce qui se révèle. L’origine, c’est bien souvent un questionnement face auquel on est sans réponse. Peu importe la forme : installations, chorégraphies, films, et d’autres encore à expérimenter. Ce qui importe, c’est la question qu’on a envie de se poser ensemble.

Le rôle d’un artiste, c’est d’apporter des réponses à ces enjeux de société, à ces interrogations ?
Attention, nous ne nous plaçons jamais en moralistes. Mais nous croyons qu’il y a urgence à analyser ce qui se passe autour de nous, à s’en emparer : les politiques et les technocrates n’ont pas le monopole de l’actualité. On ne dit pas comment il faudrait se comporter, quels gestes il faudrait effectuer. Mais certaines brûlures nous obligent tous : le changement climatique et les grands combats qui se mettent en place entre les différentes croyances – scientifiques, militants, climatosceptiques, et plus largement, la place mouvante de l’homme dans cette période crépusculaire.

Comment se saisir de ces problématiques sur un plan artistique, comment les traduire sur scène ?
Par les gestes et par l’expression du corps. Notre corps, c’est la première interface avec ce qui nous entoure : il est politique, puissant, il raconte beaucoup. Il rend compte de nos envies, de nos désirs, certes, mais il est aussi un medium inégalé. Notre danse est toujours une danse de l’instant T, résolument contemporaine. Et elle s’invente avec ceux qui la portent, désormais les danseurs du Ballet National de Marseille (BNM). Nous avons fait entrer treize nouveaux danseurs en plus des sept qui étaient déjà au BNM : tous sont des interprètes qui ont des identités fortes, pas des exécutants, ce sont des penseurs du corps qu’on met ensemble et réunit sur un plateau. Nous puisons dans la diversité de leurs parcours pour proposer des écritures chorégraphiques plurielles ancrées dans notre époque.

La question de la transmission et du partage du processus de création artistique est au cœur du projet du Théâtre du Châtelet. Vous qui avez récemment pris la tête du Ballet National de Marseille, quelle place lui accordez-vous ?
Pour nous aussi, c’est central. C’est une question qu’on s’est toujours posée, même quand on n’avait pas grand chose à transmettre (rires). Ce que l’on peut partager aujourd’hui, c’est notre expérience. Mais pour nous, cela va dans les deux sens. On est toujours à l’écoute, à l’affût de nouveaux savoirs. On reçoit beaucoup, et on essaie de donner au maximum. Au sein du ballet, on propose des ateliers autogérés entre danseurs, pour apprendre de la diversité de leurs pratiques et de leurs esthétiques.

Propos recueillis par SABIR

"Les politiques et les technocrates n’ont pas le monopole de l’actualité"

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